Hubert Reeves

 

Skywatcher 130/900Celestron 70/700Meade LightbridgeMaksutov Orion 127 Starmax

10 questions à Gilles Dawidowicz sur
la nouvelle classification du système solaire

10 questions à Gilles Dawidowicz, astronome français spécialiste du système solaire, sur la nouvelle classification du système solaire à la suite de la résolution prise par l'Union Astronomique Internationale en Août 2006, visant à redéfinir le terme de planète. Ainsi, le nombre de planètes est passé de 9 à 8 dans notre système solaire, Pluton ayant été déchu de son titre. Une nouvelle catégorie d'objets est alors apparue : les planètes naines, dont Pluton est devenu le plus emblématique représentant. Des précisions dans cette interview ...

Propos recueillis en Mai 2007.

! Cet article est en attente de ses images, merci pour votre compréhension !

Sommaire

Gilles Dawidowicz, vous êtes géographe de formation, spécialisé dans l’étude des surfaces planétaires. Vous avez notamment étudié la planète Mars à l’Obspm dans le Laboratoire d’Audouin Dollfus (en photos ci-dessous).
Vous êtes consultant pour une grande société américaine et collaborez comme journaliste scientifique et consultant Espace pour plusieurs médias français. Vous avez également été membre des conseils d’administration de la Société Astronomique de France et de l’association Planète Mars et êtes actuellement Président de l’Observatoire de Triel-sur-Seine.

Pluton n'est plus une planète

1 /        L'assemblée générale de l'Union Astronomique Internationale (UAI) a décidé le jeudi 24 Août 2006 à Prague (République Tchèque) de déchoir Pluton de son statut de planète, ramenant à huit le nombre de planètes dans notre Système Solaire. Un nouvel « organigramme », que l’on pourrait décrire comme hiérarchique, a été institué. En tant que Président de la Commission Planétologie de la Société Astronomique de France, avez-vous eu votre mot à dire dans ce vote ? Qui ont été les votants et combien étaient-ils ?

Seuls les membres de l’UAI présents lors de sa 26ème Assemblée Générale ont voté sur une nouvelle classification des corps solides de notre Système Solaire. Sur environ 10 000 membres (l’ensemble des astronomes et astrophysiciens professionnels de la planète), environ 2 000 était présents à Prague à cette assemblée l’été dernier et ont donc pu participer notamment à ce vote, très médiatisé. La motion proposée avait été élaborée par un comité international de 6 experts, mené par la Présidente actuelle de l’UAI, Madame Catherine Césarsky  (également Présidente de l’ESO). Pour ma part, n’étant pas membre de l’UAI, je n’ai pas été consulté ni pour le vote, ni pour les préparatifs de la motion votée.

Quelles différences entre planète et planète naine ?

2 /        Pluton n’est désormais plus une planète, puisqu’elle ne semble pas remplir les conditions pour pouvoir prétendre faire partie de la famille. Mais qu’elles sont précisément ces conditions ? De même, qu’est-ce qu’une planète naine et en quoi diffère-t-elle d’une planète classique ?

Pluton dès sa découverte en 1930 montrait de nombreuses différences d’avec les 8 autres plus gros corps massifs connus alors, nos traditionnelles 8 planètes. D’un point de vue géophysique comme d’un point de vue astronomique ! Dans sa taille ou sa masse par exemple, dans les caractéristiques de son orbite autour du Soleil etc…Et globalement, la communauté des astronomes ainsi que le grand public d’ailleurs, resta sur cet acquis d’une 9ème planète.
Mais la Science a progressé à grande vitesse au XXè siècle et notamment l’astronomie moderne. Les nouvelles découvertes dans notre Système Solaire comme au-dehors forcent à adapter nos définitions traditionnelles qu’elles soient destinées aux professionnels ou au grand public (car une définition doit s’adapter à sa cible et donc peut varier sensiblement d’un point de vue lexicographique).
Par exemple, voici selon le petit Larousse Illustré de 1987, quelques définitions destinées au grand public :
Planète : n.f. (gr. Planêtês, vagabond). Astre sans lumière propre, qui tourne autour du Soleil ou d’une étoile quelconque. Petite planète, planète dont le diamètre ne dépasse pas quelques centaines de kilomètres. (Très nombreuses entre les orbites de Mars et de Jupiter).
Satellite : n.m. (lat. stelles, satellitis, escorte). Astron. Corps qui gravite autour d’une planète. # Astre qui gravite autour d’un autre, de masse plus importante.
Etoile : n.f. (lat. stella). Dans le langage courant, tout astre qui brille dans le ciel, à l’exception de la Lune et du Soleil.# Astron. Astre doué d’un éclat propre.
Astéroïde : n.m. (gr. Astêr, étoile, et eidos, aspect). Syn. de PETITE PLANETE, comme PLANETOÏDE.

On voit bien que ces définitions ne sont plus adaptées, notamment en ce qui concerne leurs interfaces, les limites inférieures et supérieures de ces corps.

Une planète (notamment comme la Terre, Jupiter ou Saturne) peut émettre de la lumière propre, même si cela est sans commune mesure avec les émissions d’une étoile. Autre exemple : on a découvert plusieurs exo-planètes flottantes dans l’espace sans point d’attache à une étoile !
Le cas des satellites n’est pas plus simple. Qui de Pluton ou de Charon, un système double en fait, est la planète ou le satellite ?
Un autre exemple concerne les étoiles et leur limite inférieure. Y a-t-il une différence entre les planètes qui font entre 13 et 17 masses de Jupiter et les naines brunes ?
Il fallait adapter ces définitions, et c’était à l’UAI de le faire. Mais il faut aussi se préparer à ce qu’elles le soient à nouveau dans un futur indéterminé, au fil des nouvelles découvertes à venir… car la Science n’est pas figée mais évolue de manière imprévisible.

Voici donc selon l’UAI (résolu N°5), la définition d’une « planète dans le Système Solaire» :
 Une « planète » est un corps céleste qui :

Et voici la définition d‘une « planète naine » :
 Une planète naine est un corps céleste qui :

Selon cette définition, trois corps accèdent pour le moment au statut de planète naine : Pluton, Éris et (1) Cérès. D'autres corps devraient prochainement rejoindre cette nomenclature…

Pour compléter la répartition des planètes et autres corps du Système Solaire, l’UAI a introduit une troisième catégorie de corps : « les petits corps du Système Solaire », qui sont « tous les autres objets en orbite autour du Soleil ».

Une classification uniquement dédiée à notre système solaire

3 /        L’UAI a débattu sur ce qui composait précisément le Système Solaire. Mais pour être plus clair, le débat a-t-il porté sur le Système Solaire en tant que système « générique » d’une étoile entourée d’un cortège planétaire - c’est-à-dire « système stellaire » et non « solaire » - ou bien uniquement sur notre Système solaire, en ne tenant compte que de ses spécificités à lui ?
Car il faut bien dire que depuis qu’ils découvrent des centaines d’autres systèmes stellaires, les astronomes prennent conscience de l’incroyable diversité de ceux-ci (en terme de dynamique, d’exoplanètes, etc.) ! Cette diversité bouleverse les modèles établis, et ce qui semblait hier pour acquis ne l’est plus forcément aujourd’hui… Cette nouvelle classification arrive donc précisément à un moment où nous ne sommes finalement plus sûrs de savoir grand-chose, ce qui semble être un comble…
Se contenter d’une définition spécifique à notre Système solaire ne serait-il pas finalement inadéquat ? Ne serait-ce pas repousser le problème de quelques années ? L’Union Astronomique Internationale ne se serait-elle donc pas un peu trop précipitée ?

L’UAI a en effet – et pour le moment seulement – statué uniquement sur notre Système Solaire. Cela ne présage en rien de l’avenir, car l’histoire des sciences a montré que la créativité humaine et notre capacité à imaginer de nouveaux mondes étaient bien loin de la diversité de la Nature et des réalités découvertes par nos sondes spatiales… La Nature est plus imaginative que nous le sommes !

L’UAI a donc tenu compte des spécificités de notre Système Solaire, finalement a portée de mains, de sondes spatiales et de télescopes... Soit les autres systèmes planétaires feront l’objet de définitions spécifiques quand nous aurons suffisamment d’informations permettant de marquer des différences avec notre banlieue solaire, soit les autres systèmes planétaires enrichiront de leurs caractéristiques les définitions actuelles de l’UAI par des ajouts supplémentaires…

Une classification ne faisant pas l'unanimité

4 /        Cette nouvelle classification du Système Solaire ne fait pas toujours l’unanimité dans la communauté scientifique. De nombreux planétologues la rejettent déjà et demandent à ce qu’elle soit réétudiée au plus vite. Qu’elle est votre position à ce sujet ?

Il est une certitude : il faut des définitions en Science. Il faut aussi qu’elles soient adaptées à leur(s) public(s). Enfin, il ne faut pas croire qu’elles soient figées et donc, ne pas hésiter à les faire évoluer dans le temps, au fil des découvertes. Toutefois, une certaine inertie peut être nécessaire, le temps de valider les acquis…
Quant à la réaction de certains professionnels qui se sont opposés parfois avec virulence, à ces nouvelles définitions, leurs arguments sont souvent très pertinents. Il faut donc continuer les discussions, continuer d’argumenter et d’étayer les propositions. Ces débats sont sains car ils démontrent que la Science n’est pas figée mais qu’elle est au contraire en mouvement perpétuel. Ils démontrent aussi le grand intérêt suscité un peu partout dans le monde pour l’Astronomie. Ils montrent enfin que tout cela est démocratique, même si certains – et c’est inévitable – essayent d’orienter dans un sens ou dans l’autre une partie des débats et des décisions à prendre.

Les objectifs, ne l’oublions pas, sont le partage entre tous, de la Connaissance. Il n’y a donc finalement pas d’intérêts particuliers (scientifiques, culturels, politiques, religieux…) à défendre.

Possibilité d'un retour en arrière ?

5 /        Pensez-vous qu’il soit un jour envisageable, en cas de forte pression de la communauté astronomique internationale, que l’UAI puisse revenir sur ce qui a été voté, quitte à perdre de sa crédibilité ?

L’UAI étant un organisme démocratique, si une majorité se dégage un jour pour revoir, modifier, amender, compléter, enrichir l’existant, c’est que la communauté des astronomes l’aura jugée bon et valable. On ne prend pas de décisions de ce type sans en avoir pleinement conscience, sans en comprendre la portée et sans en prévoir les conséquences.

Cérès, un astre à part

6 /        Il existe un astre proche de nous dans le Système Solaire, dont on parle peut-être trop peu, c’est (1) Cérès. Située dans la ceinture d’astéroïdes, il est aujourd’hui admis que (1) Cérès aurait du être une planète, qu’elle était effectivement vouée à devenir la cinquième planète tellurique, si Jupiter ne l’y avait pas empêché de par son influence gravitationnelle… De par ce fait, (1) Cérès n’a pas pu agréger la matière de cette ceinture située au-delà de l’orbite de Mars, elle n’a pas pu nettoyer son orbite et ainsi remplir les conditions pour devenir une « vraie » planète.
En conséquence, et compte tenu de ses caractéristiques physiques, (1) Cérès fait aujourd’hui partie de la famille des « planètes naines » (après avoir été considérée comme un vulgaire astéroïde pendant des décennies), au même titre que Eris, Pluton et Charon.
Pourtant, (1) Cérès reste finalement en marge car elle est la seule planète naine située dans le Système Solaire intérieur, la seule à ne pas être un Objet Trans-Neptunien.
Au-delà des caractéristiques physiques et orbitales des astres de notre Système Solaire, n’aurait-il pas fallu aussi prendre en compte leur histoire ? N’aurait-il pas fallu isoler (1) Cérès et la distinguer en tant que « planète avortée » ?

Tout d’abord, (1) Cérès n’est pas un vulgaire astéroïde. Ni d’un point de vue historique, ni d’un point de vue scientifique ! C’est le premier astéroïde découvert (le 1er janvier 1801 par Giuseppe Piazzi, Directeur de l’Observatoire de Palerme, en Sicile). Pour mémoire, Piazzi prit d’abord (1) Cérès pour une comète… Par ailleurs, (1) Cérès est le plus grand des corps connus composant la ceinture d’astéroïdes, avec un diamètre de 950 km environ. Historiquement, (1) Cérès fut longtemps considéré comme une planète tellurique, tout comme (2) Pallas, (3) Junon et (4) Vesta. Il faudra attendre William Herschel, pour que l’on classe ce type d’objet, dans une nouvelle catégorie pour l’époque : les astéroïdes.

D’autre part, d’un point de vue physique, (1) Cérès a en effet des particularités. Sa taille et sa masse sont suffisantes pour qu'elle devienne presque sphérique, comme une planète. D'autres gros astéroïdes comme (3) Junon et (2) Pallas, sont à ce titre de formes nettement irrégulières. Avec une masse de 9,445×1020 kg, (1) Cérès concentre à elle seule un tiers de la masse totale de la ceinture d'astéroïdes. Cela ne représente toutefois qu'environ 3% de la masse de la Lune. Enfin, certaines observations laissent croire que (1) Cérès pourrait avoir une mince atmosphère et du givre en surface, mais rien n’est encore définitif.
(1) Cérès est donc à de nombreux points de vue une exception. Y compris dans la nouvelle catégorie des « planètes naines ». Mais il fallait trancher et surtout ne pas introduire trop de catégories, en fonction des diversités constatées et susceptibles de complexifier les choses. Même si parfois, les conséquences de ces nouvelles définitions peuvent dérouter un peu…

Des satellites pouvant être d'anciennes planètes naines

7 /        De même, il est par exemple possible que certains satellites actuels des planètes gazeuses aient pu avoir été autrefois des corps appartenant à la ceinture de Kuiper qui se seraient fait capturer en passant à proximité d’une planète (Triton ?), tout en bénéficiant des caractéristiques physiques d’une planète naine ... On ne peut sûrement pas occulter cette éventualité, et si cela se vérifie ne pensez-vous pas que cela puisse être de nature à compliquer encore un peu plus le problème ?

Les choses du ciel sont souvent compliquées. Y compris jusque dans les scénarios de mise en place du système actuel. Tout cela paraît stable, mais ne l’est finalement pas. Triton mais aussi Phobos et Deimos sont concernés comme bien d’autres corps planétaires dans notre Système Solaire. Rien ne nous empêche toutefois de penser que de nouvelles définitions puissent apparaître un jour ou l’autre, contenant des catégories permettant par exemple à un même corps de faire partie de deux types différents…

Différents types de planètes naines ?

8 /        Pour être un peu tatillon : La famille des planètes étant scindée en deux (planètes telluriques et géantes gazeuses), ne faudrait-il pas, dans un soucis de cohérence, différencier les planètes naines glacées (Pluton, Éris et bientôt peut-être Charon) des planètes naines telluriques ((1) Cérès) ? Il semble effectivement clair qu’une nuance, voire une différence, existe bel et bien entre (1) Cérès et ses trois autres comparses… Qu’en pense le géographe spécialiste des surfaces planétaires que vous êtes ?

C’est une idée intéressante en effet, mais je crains fort qu’il faille attendre encore très longtemps pour être sur et certain de la structure géophysique interne de chacun de ces corps et donc de leur histoire géologique précise. De nombreuses informations encore manquantes me sembleraient nécessaires pour faire une telle distinction au sein de la famille des planètes naines.

Un potentiel de planètes naines énorme ?

9 /        Dans notre Système Solaire, il existe une quantité importante de corps de la ceinture de Kuiper (Sedna, Quaoar, Varuna, 2005 FY9, …) et même de la ceinture d’astéroïdes ((2) Pallas, (3) Junon, (4) Vesta et (10) Hygiea) qui semblent remplir les conditions définissant ce qu’est une planète naine.
Pourquoi alors ne le sont-elles pas devenues en même temps que les quatre premières ? Est-ce faute de données concrètes et précises ? Nous ne connaissons pourtant pas grand-chose du couple Pluton-Charon, et encore moins de (1) Cérès et Éris … Au final, est-il envisageable que le Système Solaire puisse un jour compter plus de planètes naines que de planètes ? Pourrions-nous un jour avoir un Système Solaire entouré de 50 ou 100 planètes naines pour 8 planètes ?

Il est vrai que nous n’avons pas beaucoup de données sur ces petits corps planétaires. Du reste, il nous manque encore beaucoup d’informations sur la géophysique de Mercure, Vénus ou Mars par exemple… De toute évidence, des corps enrichiront encore les différentes catégories disponibles aujourd’hui. Donc il est en effet très probable que notre Système Solaire compte un jour des dizaines voire des centaines de planètes naines pour 8 planètes classiques.

L'utilité d'une nouvelle classification

10 /      Pour conclure, une question fondamentale après avoir discouru sur le statut de chaque corps du Système Solaire : Qu’elle est l’utilité d’une telle classification ? Qu’allons-nous en retirer ? Finalement, on peut enfermer les planètes dans autant de catégories qu’on veut, cela ne nous apprend rien de plus sur ce qu’elles sont, non ?

Encore une fois, une définition sert à déterminer les limites ou les traits d’ensemble d’un objet. Elle se doit d’avoir une certaine finesse technique, une certaine précision afin de déterminer concrètement les caractères distinctifs de ce que l’on observe ou décrit. Une telle classification a donc une très grande utilité, puisse qu’elle permet de répartir nos observations en classes, avec des notions précises, des caractères communs et ceci afin d’en faciliter l’étude.

Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’une définition ne peut être parfaite et peut donc conduire à tromper les apparences…

Visitez le site de la commission des planètes de la Société Astronomique de France, dont Gilles Dawidowicz est le président (président d’honneur : Audouin Dollfus) !

http://www.saf-lastronomie.com/complant.htm

Un commentaire ? Laissez-donc vos impressions !



 









astroshop.eu Partager Suivez-nous sur Twitter ! ajouter aux favoris retour à l'accueil contact