Audouin Dollfus, 1924. - biographie partie 2

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Détection d'une atmosphère résiduelle sur Mercure

Grâce à cette technique d’observation par polarisation de la lumière, Audouin Dollfus est également capable de détecter contre toute attente la présence d’une atmosphère sur Mercure.

En 1950, on croit toujours que la proximité de la planète avec le Soleil et la faible masse de celle-ci sont contradictoires avec toute existence possible d’atmosphère. Dollfus réussi néanmoins à en détecter la trace à l’Observatoire du Pic du Midi. Il détermine que cette atmosphère ne peut être supérieure au 1/300ème de celle de la Terre, que son niveau au sol est d’environ 1 mm et qu’elle doit donc être extrêmement dense et lourde. En réalité, on sait aujourd’hui qu’elle est très ténue : 10-15 bar, la masse totale répartie sur la petite planète n’excédant pas 1 tonne.
Dollfus profitera également de la grande lunette du Pic du Midi en 1959 pour observer la surface mercurienne et affiner les premières observations, faites en 1889, par l’astronome italien Giovanni Schiaparelli.

Sur leur lancée, Dollfus et Bernard Lyot étudient également la possibilité d’une atmosphère sur la Lune, mais ils s’apercevront rapidement que c’est impossible, le taux de dissipation thermique des gaz étant trop élevé. Aucune polarisation n’est détectable, la question est donc définitivement close.

mercure

Un satellite de Saturne à découvrir

Les recherches d’Audouin Dollfus se portent désormais sur le système de Saturne.
En effet, dès le début des années 1950, les astronomes pensent que les divisions présentes dans les anneaux sont dues à la présence de satellites encore inconnus. En 1957, à l’Observatoire de Meudon, Dollfus pressent l’existence d’un satellite dont l’attraction perturbe les anneaux de Saturne.
L’équipe d’Audouin Dollfus s’affaire donc à observer les anneaux dans les plus grands télescopes du monde, notamment dans le puissant télescope de l’Observatoire Mc Donald au Texas (2m de diamètre), afin d’obtenir une finesse d’image inégalée.
De retour au Pic du Midi, ils procèdent à une analyse micrométrique révélant très précisément la structure des anneaux.

Invisible, mais trahi par son influence gravitationnelle

La position des divisions est sensée correspondre parfaitement avec la distance des satellites Mimas, Encelade et Téthys, par phénomène de résonance. Pourtant les résultats ne correspondent pas parfaitement, et les astronomes en concluent la présence d’un satellite supplémentaire dont la masse perturbe les résultats. Selon eux, si on ne l’a jusqu’à présent jamais découvert, c’est parce qu’il doit être situé très près de l’anneau, dans le rebords externe, et il est ainsi noyé dans la lumière de la planète reflétée sur les anneaux, il doit  donc être indétectable visuellement.

satellites saturne

Occultation des anneaux de Saturne : première tentative

La seule solution pour l’observer est d’attendre le moment propice où la Terre passera précisément dans le plan des anneaux de Saturne. Nous somme en 1966, et cet évènement doit se produire 2 fois dans l’année.
La première fois, le 29 Octobre 1966 : Pendant une vingtaine de jours, l’Académie des Sciences de l’Union Soviétique met à la disposition d'Audouin Dollfus ses meilleurs télescopes. Pourtant, il ne peut faire que des observations visuelles et pas de photographie. Malgré de bonnes conditions d’observation, ce handicap empêche toute découverte.

Occultation des anneaux de Saturne : deuxième tentative

La seconde fois, le 17 Décembre 1966 : dernière chance de trouver le satellite manquant avant la prochaine « occultation » des anneaux prévu pour 1981 … Dollfus reste en France, grâce à l’installation d’un nouveau télescope de 107cm de diamètre à l’Observatoire du Pic du Midi. Afin de capturer l’image du satellite, il doit poser suffisamment longtemps … Mais pour cela il faut absolument masquer la lumière aveuglante de Saturne. Il installe donc une bande de celluloïd absorbant la lumière dans le plan focal du télescope, ce qui permet d’envelopper le globe planétaire en réduisant par un facteur 100 sa luminosité, tout en préservant la faible lueur des anneaux vus par la tranche. Le détail à observer est si minime qu’il faut bénéficier d’une précision extrême de l’image : Il faut donc encore jouer avec les effets de contraste en rajoutant des plaques photographiques, les temps de pose (entre 10 et 20 minutes), les tremblements du tube optique, les variations atmosphériques, les imperfections minimes du moteur électrique de la monture équatoriale, etc … Mais grâce au génie de l’équipe, tout est prêt pour effectuer au mieux leur recherche au jour J.

télescope pic du midi

Le satellite est découvert !

Le télescope prend finalement 3 clichés sur une période de 3 jours, sur lesquels apparaît un très faible point lumineux non identifié, situé exactement sur le plan des anneaux et se déplaçant d’est en ouest. Les résultats sont formels, le satellite est découvert !

découverte janus

Au total, 28 clichés sont pris, et les orbites sont re-calculés. L’équipe de Dollfus transmet les résultats à d’autres observatoires de la planète, qui se relaient et confirment la découverte, prenant eux aussi une foule de clichés. Après calculs, il apparaît que l’inclinaison orbitale du satellite est nulle.
Le satellite, le dixième satellite de Saturne, est baptisé « Janus » par Audouin Dollfus lui-même, du nom d’une divinité grecque.
Cette découverte est la consécration de la carrière du professeur Dollfus.

janus

En 1969, l’astronome amateur Jean Dragesco (l’homme ayant montré Mars pour la première fois au Jeune Dollfus) succède à Audouin Dollfus en tant que président de la Commission des Surfaces Planétaires.

Collaboration avec la NASA pour la mission Apollo XI

Durant cette période, le professeur Audouin Dollfus s’investit dans divers projets spatiaux internationaux : Après avoir démontré grâce à sa technique de polarisation de la lumière que le sol lunaire était recouvert d’une épaisse couche de poussière composée de basalte pulvérisé, l’équipe américaine du projet Apollo11 se sert de ces résultats pour déterminer la nature de l’alunissage à effectuer (cette couche épaisse de plusieurs dizaines de centimètres par endroits est le résultats des très nombreux impacts météoritiques qu’à connu la Lune dans sa jeunesse). En ce sens, on peut dire que c’est en partie grâce au professeur Dollfus si l’homme a marché sur la Lune !

alunissage apollo 11

Il met également au point en 1973 un polarimètre pour la mission soviétique Mars-5 …
En parallèle, il continue ses observations du système Saturnien et découvre en 1979 l’anneau extérieur.
En 1989, Audouin Dollfus reprend la direction de la Commission des Planètes, qui a été rebaptisée ainsi en remplacement de la Commission des Surfaces Planétaires en raison de la diversification des études planétaires dû à l’élargissement du champ d’observations et à la multiplication des missions d’exploration spatiales américaines et soviétiques.
Audouin Dollfus se focalise à partir de cet instant à la diffusion de la connaissance, il est depuis un vulgarisateur émérite.

50 ans d'astronomie Dollfus

En Juin 2002, la Commission des Planètes se scinde en deux et sa branche observationnelle devient la Commission des Observations Planétaires ; Daniel Crussaire y succède au professeur Dollfus.

Audouin Dollfus, un vulgarisateur investi

audouin dollfus

Aujourd’hui, toujours astronome honoraire à l’Obspm (Observatoire de Paris-Meudon), Audouin Dollfus est également président de l’Observatoire de Triel-sur-Seine (Le Parc aux Etoiles, Yvelines). Outre ses activités scientifiques, il accorde aujourd’hui une importante part de son emploi du temps à la vulgarisation scientifique, dont il est très soucieux, notamment auprès des jeunes générations (qui rechignent de plus en plus à opter pour un cursus scientifique, ce qui risque d’entraîner la science dans son ensemble vers une crise des effectifs à court terme) : Il se rend dans les écoles, assiste ou anime des conférences, publie des ouvrages à succès, etc… 

Son œuvre est désormais très conséquente, puisque tout au long de sa carrière il a réparti ses recherches (spécialisées sur l’astrophysique du système solaire) dans plus de 300 publications scientifiques.
Il est titulaire de nombreux prix et distinctions scientifiques dont le prix Janssen, qui est la plus haute distinction de la Société Astronomique de France, le diplôme Tissandier de la Fédération Aéronautique Internationale et le Grand Prix de l’Académie des Sciences.
En son honneur, l’astéroïde 2451 Dollfus porte son nom. Partager